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Ces dernières années, avec un zèle particulier, de nombreux musulmans d’Afghanistan, d'Azerbaïdjan, du Tadjikistan, d'Iran, du Turkménistan, du Kazakhstan, d'Ouzbékistan, du Kirghizistan, les peuples Kurdes de Turquie, de Syrie et d’Irak, les provinces occidentales de la Chine, du Caucase ainsi que les Tatars et les Bachkirs du sud de la Russie célèbrent Navruz le 21 mars, ce « Nouvel An perse » étant profondément enraciné dans les croyances zoroastriennes.

L’histoire de Navruz, selon diverses sources, remonte à l’époque d’Avesta – « livre saint » de la religion zoroastrienne. Suivant la doctrine de l'Avesta, le peuple doit, à chaque printemps, célébrer l'émergence de la vie sur terre, qui est issue des quatre éléments : le ciel, l’eau, la terre, et le feu. D’où les coutumes encore pratiquées de nos jours autour de Navruz : l’aspersion d'eau, le saut par-dessus le feu, la préparation de plats à partir de graines germées, etc.

Omar Khayyâm, poète, scientifique, mathématicien, astronome et philosophe iranien a associé Navruz au mythique Roi Jamshid, sur lequel, ce jour-là, sont tombés les rayons du soleil. Selon le témoignage de Strabon, géographe de l’ancienne Grèce, chaque Navruz, les habitants de la Mésopotamie se réunissent au « Temple du Feu ». Ceci expliquerait la coutume, largement répandue de nos jours, de manger des plats cuisinés sur le feu. Navruz au Tadjikistan

À l'époque soviétique, Navruz, ainsi que d'autres fêtes nationales ou religieuses, avaient été interdites. De 1926 à 1988, Navruz était célébré en secret. Depuis 1988, Navruz est reconnu comme une fête traditionnelle majeure pour le pays.

Au Tadjikistan les gens se préparent pour Navruz un, voire deux mois à l’avance. Les femmes tadjikes font le ménage dans toute la maison et nettoient les rues. Les hommes se préparent pour les compétitions sportives originales : murgh jangi (combat de coqs), kabk jangi (combat de cailles), asp davoni (course de chevaux), khardavoni (course d’ânes), buskashi (jeu de l'attrape-chèvre), gushtingiri (lutte), lash bozi (se joue avec deux battes), tukhm jangoni (bataille d’oeufs), qol bozi (jeu de billes), argunchak/ulchak bozi (jeu de balançoire).

Les coutumes et traditions de Navruz sont différentes selon les régions du Tadjikistan. En particulier, au Pamir, une région de hautes montagnes, autrefois traversée par la Route de la soie, à l’est du Tadjikistan, le mot de Navruz est souvent remplacé par le mot « Shogun bahor » (la fête de printemps). Le mot « Shogun », selon les historiens, signifie : le saint, la gloire, le nouveau jour et le nouvel an.

Le jour de Navruz, les habitants du Pamir ferment leur porte avant le lever du soleil. Les femmes font un dernier ménage, en nettoyant la poussière du sol au plafond à l’aide d’un balai, puis aspergent un peu de farine sur le plafond. Le balai est ensuite jeté. Ainsi, selon elles, le malheur et la malchance seront expulsés en dehors de la maison. Dès que le ménage est fini, les premiers pas dans la maison doivent être ceux d’un âne ou d’un mouton. Ensuite, le maître de maison lui donne alors quelque chose à manger. En entrant avec l’un de ces animaux, mon père disait toujours « Omadam, davlati Wakhona ovardam », ce qui signifie « je viens avec la richesse du Wakhon ».

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Wakhon est une vallée située à l’est du Pamir. Selon mon père, on dit « la richesse du Wakhon », parce qu’il s’agit d’une chaîne de villages relativement riches qui possèdent des terres cultivables et du bétail. Depuis des décennies, les habitants du Pamir arrivant de l’ouest viennent s’y procurer de la nourriture que l’on trouve en abondance.

Je me souviens quand j’avais 13 ans, je me suis fait réprimander par ma grand-mère, parce que, sans attendre l’arrivée de mon père, j’ai fait rentrer deux de nos chevreaux, qui sont toujours rentrés à la maison en hiver à cause du froid dans leur enclos. Les chèvres sont considérées comme des « shayton » (diablotins) et peuvent porter malheur. Ainsi, toute l’année, ma grand-mère craignit qu’il n’arrive quelque chose de mauvais dans notre famille. Selon les habitants, si un étranger entre dans la maison avant le lever du soleil, cela porte également malheur. Pour éviter ce genre d’inconvénient, les portes restent fermées. Pendant le rituel du ménage, la plupart du temps, les hommes restent en dehors de la maison et cueillent une branche de saule jaune/salix (zardbed). Au retour, ils donnent les branches à leur femme en leur disant « los-los Shogun Bahor muborak », ce qui signifie « los-los joyeuse fête du Printemps ». Les branches sont ensuite accrochées au plafond jusqu’au prochain nouvel an pour assurer le bonheur de la famille. Les femmes à leur tour répondent « Ba rui shumo muborak » (à vous également) et mettent un peu de farine (le symbole de richesse et de pureté) sur l’épaule droite de leur mari (ce rituel se pratique aussi plus tard, quand les invités entrent dans la maison). Puis la première chose qu’ils mangent est le sumanak.

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Le Sumanak est un plat à base de graines de blé germé. En principe, le sumanak se prépare la veille de Navruz. Plusieurs femmes se rassemblent durant la nuit et mélangent le blé germé avec du beurre, du lait, de la farine et des morceaux de glace dans un chaudron chauffé à feu doux. La préparation du sumanak dure environ 10 à 12 heures jusqu’à ce que le mélange prenne une forme onctueuse. Les autres membres de la famille rendent l’ambiance plus gaie en dansant et chantant « Sumanak dar jush mo kaftcha zanem, digaron dar khob mo daftcha zanem » (Sumanak est en train de cuire, nous touillons avec des cuillers, les autres dorment, nous jouons du tambourin).

Autres traditions

Suivant le rituel de Navruz, un tissu rouge est accroché au fronton des maisons : la couleur rouge est un symbole du Bien, censé protéger du mauvais oeil. Ceux qui ont des dettes doivent les rembourser, parce qu’on dit que si quelqu’un est endetté pendant Navruz, il risque de ne pas s’en sortir financièrement jusqu’au nouvel an suivant. La tradition moderne la plus connue veut que les enfants et les adultes aillent sonner aux portes en demandant de remplir leur foulard avec des bonbons, des fruits ou de l'argent en récitant la formule :

Navruz shudu lolai khush rang baromad, bulbul ba tamoshoi dafu tchang baromad. Murghoni tchaman jumla bikardand parvoz, murghi dili man az qafassi tang baromad.



Et voici, au Navruz, la jolie tulipe qui pousse et le rossignol qui vient écouter la douce musique du tambourin et du cymbalum. Ainsi volent les oiseaux du jardin rempli de fleurs, en faisant sortir de sa cage étroite l’oiseau de mon coeur), ou plus simplement « Shogun bahor muborak».

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Navruz a la particularité d’âtre une grande fête conviviale qui se déroule avec les voisins. Les visites chez les voisins durent du matin au soir, pendant deux ou trois jours. Tout le monde porte des costumes et des robes neufs, en espérant que le nouvel an apportera la richesse et la prospérité. Les femmes sont fières de faire déguster leurs différents plats. La table tadjike idéale doit contenir divers plats nationaux (kabob, plov, mantu, damlyama, khonuma, oshi burida etc.), des plats à base des sept produits végétaux (blé, sésame, haricot, orge, lentille, millet, maïs), du sumanak, ainsi que des friandises, jusqu’à ce que la nappe de la table soit entièrement couverte par la nourriture.

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Le buskashi, jeu rituel du Navruz

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Pendant Navruz, les gens participent à différents jeux sportifs. Un de ces jeux est le « buskashi », le «jeu de l'attrape-chèvre ». L’objectif est d’arracher la carcasse de chèvre (ou de mouton) de l’adversaire et de l'amener dans les buts, comme au handball, excepté que ce jeu se déroule à cheval. Le gagnant reçoit un prix (de l’argent, un tapis ou du bétail). On appelle les cavaliers « chuvandoz» ; ils portent des chapeaux style « hippie » non pas pour être à la mode, mais pour protéger leurs oreilles contre les coups de leurs rivaux. Ils gardent souvent leurs fouets dans la bouche pour avoir les mains libres afin de mieux contrôler leur cheval et de mieux se battre pour la carcasse de chèvre ou de mouton, qui est l’équivalent du ballon. Le jeu est dur mais divertissant.

Les autres jeux

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Le « gushtingiri » est une autre discipline sportive s'apparentant à la lutte. Le gushtingiri est un combat à mains nues au cours duquel les adversaires se mesurent au corps à corps. L'objectif est soit de faire tomber l'adversaire au sol et de maintenir ses deux épaules collées au tapis : c'est le tombé ; soit de gagner aux points.

Parmi les jeux, les plus fascinants et rares qui se pratiquent au Tadjikistan sont le « tukhmjangoni » et le « lash ». En général, ce sont les enfants qui pratiquent ces jeux.

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Au « tukhmn-jangoni », les enfants testent la résistance d’un oeuf de poule et tapent sur l’oeuf de l’adversaire. Une fois l’oeuf de l’adversaire fendu, celui-ci est obligé de donner son oeuf au gagnant. Les gagnants continuent de se défier les uns les autres jusqu'à ce qu'il n'y ait qu'un seul oeuf épargné, et son propriétaire est déclaré vainqueur. Il est amusant de voir la joie et la fierté d’un enfant lorsqu’il gagne et remporte tous les oeufs.

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Le « lash » est un sport dérivé d’un jeu ancestral. Il se joue avec deux battes ; le grand bâton qui sert de batte mesure normalement de 40 à 50 cm, et la petite un peu recourbée de 5 à 10 cm. Il s'agit de frapper une première fois le bâton à terre pour le faire sauter, puis de le frapper une seconde fois au vol pour l'envoyer le plus loin possible. L’autre équipe (l’équipe B) doit essayer d’attraper la batte. Si elle y réussit, elle gagne la partie. Sinon, l’équipe B doit la relancer afin de toucher la grande batte posée a « terre» (c’est à- dire le but, à partir d’où la petite batte a été lancée). Si la petite batte ne touche pas la grande et se place plus loin qu’elle, dans ce cas, la distance entre le but et la petite batte, comptée avec la grande (parfois avec la petite), sera transformée en points pour l’équipe adverse (l’équipe A). Le lash se pratique sur tous les terrains. Dans ce sport, deux combinaisons sont possibles. La doublette (deux contre deux) et le tête-à-tête (un contre un).

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Le « Qol bozi » (jeu de billes) est en général un jeu réservé aux filles. Les billes sont de petites boulles de pierre. Elles sont apparues il y a des dizaines d'années et les jeux de billes sont populaires dans certains pays d’Orient et d’Asie Centrale, voire en Russie. On y joue avec cinq billes d'un diamètre de 2-3 cm. Le qol bozi se pratique sur le sol ou sur une table. La règle du jeu est simple. Il s’agit de jeter, une des cinq pierres en l’air et de la rattraper juste après avoir ramassé avec la même main l'une des quatre pierres gisant sur le sol. Ensuite, on lance en l’air deux pierres et on ramasse deux des trois pierres gisant sur le sol, puis trois, quatre, et enfin on lance toutes les cinq pierres et on les attrape sur le dos de la main sans les faire tomber. Ainsi, le jeu continue jusqu’à ce qu’on jette chacune des pierres. Il faut absolument jouer avec une seule main. Il y a environ cinq étapes dans le jeu. Comme dans la plupart des jeux le qol bozi se joue à tour de rôle. Le/la gagnant(e) est celui (celle) qui réussit les différentes étapes du jeu avec le moins de fautes possibles. C’est un jeu qui requiert de l’agilité et de la rapidité.

Le jour de Navruz, les jeunes filles et les garçons portent leurs plus beaux costumes. Les filles jouent sur des balançoires accrochées avec une corde sur l’un des plus hauts arbres. On dit qu e plus la balançoire va haut, plus on a de chances de se débarrasser de ses anciens péchés.

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Anciennement, avant Navruz, les habitants de Hissar, Karatag, Istarafshan, Khujand, Samarkand et Boukhara avaient pour habitude de casser toutes les assiettes abimées ou fissurées en les jetant loin de la maison. En procédant ainsi, les habitants espèrent se débarrasser de leurs anciens soucis et acquérir la prospérité et la santé tout au long de la nouvelle année. Ceci est également une coutume dérivée de la tradition zoroastrienne